La Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP16) s’est tenue du 21 Octobre 2024 au 1er Novembre 2024 à Cali, en Colombie. Elle avait pour objectif d’opérationnaliser le suivi de la mise en œuvre par les États des engagements pris lors de la COP15 avec l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (CMB). La fixation d’un mécanisme de suivi permettant d’évaluer l’état d’avancement des cibles du cadre mondial et d’intensifier les efforts si leur réalisation n’était pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs fixés d’ici 2030.

Les états s’étaient engagés à produire des stratégies nationales pour la biodiversité (SNB), ou au mieux des objectifs nationaux, conformes aux 23 objectifs du CMB, dont l’objectif 30×30 : conserver 30 % des terres et des mers de la planète d’ici à 2030, grâce à la création de zones protégées ou à d’autres mesures de conservation basées sur les zones[1].

Une COP16 aux résultats mitigés

De manière générale, les quatre réalisations majeures à retenir de la COP 16 sont les suivantes :

  1. L’actualisation par 44 nouveaux pays, sur 196 partis à la convention sur la diversité biologique (CBD), de leurs stratégies nationales pour la biodiversité et la publication par 119 nouveaux pays d’objectifs nationaux[2]. Le WWF a d’ailleurs mis en place un outil de suivi de ces stratégies au niveau international, ainsi qu’une analyse comparative de leur contenu et de leur qualité (à consulter ici : WWF NBSAP Tracker).
  2. La création d’un nouvel organe subsidiaire visant à assurer la participation entière et effective des populations locales et autochtones dans les processus de négociation de la Convention sur la diversité biologique.
  3. Un accord entre les pays pour aligner leurs politiques biodiversité/climat au niveau national et pour établir des mécanismes favorisant la collaboration entre la CDB et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
  4. La création du “Fonds Cali”, un fonds  alimenté par des contributions financières volontaires issues des entreprises afin d’assurer que les bénéfices générés par l’utilisation de la numérisation de données génétiques,telles que celles issues du séquençage de plantes pour les secteurs de la cosmétique et de la pharmacologie, soient redistribués équitablement aux pays d’origine et aux “gardiens de la nature”. Les financements perçus par ce fonds, placé sous l’égide des Nations Unies, seront répartis à parts égales entre les pays et les peuples autochtones ainsi que les communautés locales ayant préservé ces ressources naturelles[3]. Ce mécanisme permet également de finaliser et d’opérationnaliser le cadre multilatéral pour un partage équitable des avantages issus des données génétiques, adopté lors de la COP15[4].

Cependant, les négociations n’auront pas permis  de répondre aux défis liés au financement. En effet, alors que le cadre mondial pour la biodiversité prévoit dans sa cible 19[5] de pouvoir générer 200 Milliards de dollars par an d’ici 2030[6] pour la conservation de la biodiversité, la stratégie d’atteinte de cet objectif peine à faire consensus.

Les pays du Sud global soutenaient la création d’un nouveau fonds international pour la biodiversité, en raison de leurs critiques concernant le fonctionnement et l’accès au Fonds pour l’environnement mondial (GEF), sous l’égide duquel est actuellement géré le Fonds du Cadre mondial pour la biodiversité (Global Biodiversity Framework Fund – GBFF). En revanche, plusieurs pays du Nord global  considéraient que la création de nouveaux organes serait coûteuse et longue, et estimait que cela n’était pas pertinent étant donné l’existence de mécanismes déjà en place[7].

Finalement, ce sont uniquement des contributions d’un montant total de 163 millions de dollars1 qui sont venues alimenter le GBFF, ce qui porte la dotation de ce fonds à 400 millions de dollars[8].

La question du financement reste un enjeu crucial tant pour les décideurs que pour la société civile. Étant donné que ces financements ne peuvent provenir uniquement des fonds publics, la recherche des 200 milliards de dollars par an nécessaires pour atteindre les objectifs du CMB nécessite de mobiliser des solutions de financement innovantes. Parmi ces solutions, les crédits biodiversité se sont particulièrement distingués lors de cette COP. Le Panel international de conseil sur les crédits biodiversité (IAPB), porté par la France et le Royaume-Uni depuis 2023, a présenté un cadre pour les marchés de crédits biodiversité à haute intégrité. Ce cadre repose sur 21 principes axés sur la nécessité de garantir des résultats concrets pour la nature, l’équité et la justice, ainsi qu’une bonne gouvernance pour ces marchés[9].

Cependant, la notion de crédits biodiversité demeure controversée au sein de la société civile, qui peine à être convaincue. Celle-ci privilégie notamment le terme « certificats biodiversité ». Le Comité français de l’UICN a d’ailleurs publié une note de position[10] sur cette question, rappelant que « la plupart des écueils des crédits carbone concernent également la biodiversité. En particulier, il existe un risque important que l’achat de certificats biodiversité se substitue à l’évitement, la réduction et la compensation des impacts, qui demeurent pourtant prioritaires ». Il estime également que le terme « certificat » est plus approprié, car il reflète mieux l’idée d’une contribution positive à la biodiversité plutôt qu’une simple compensation entre pertes et gains de biodiversité.

Enfin, alors que l’un des objectifs majeurs de cette rencontre était de déterminer un mécanisme de suivi et d’évaluation du Cadre mondial pour la biodiversité, la dernière séance plénière n’aura pas permis de lever les désaccords pour aboutir à sa création. Ce point de l’agenda nécessitera donc une nouvelle session intermédiaire de la COP avant la prochaine session prévue en Arménie en 2026. Cette session se tiendra du  25 au 27 février 2025 à Rome en Italie[11].

L’intégration de la connectivité écologique depuis la COP15 : progrès et défis

Depuis la COP15 et l’adoption du cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal en 2022, l’importance des connectivités écologiques comme outil majeur de la conservation est de plus en plus reconnue.

Pour rappel, la connectivité écologique est incluse dans plusieurs objectifs et cibles du cadre, notamment :

  • Objectif A: Comme exigence fondamentale pour le bon fonctionnement des écosystèmes ;
  • Cible 1: Comme critère clé pour parvenir à une « planification spatiale participative, intégrée et inclusive de la biodiversité »
  • Cible 2:Comme indicateur d’impact des bénéfices et des résultats de la restauration pour l’ensemble des paysages dont les  paysages marins;
  • Cible 3: Comme élément crucial pour parvenir à des aires protégées et conservées « bien connectées » afin d’atteindre les objectifs 30×30;
  • Cible 12:Comme importante pour accroître les bénéfices des « espaces verts et bleus » dans les zones urbaines et densément peuplées;
  • Cible 14:Comme une contribution à « l’intégration totale de la biodiversité et de ses multiples valeurs […] au sein et entre tous les niveaux de gouvernement, dans tous les secteurs».” [12] [13]

La question de la connectivité s’est donc naturellement inscrite dans l’agenda de la biodiversité lors des négociations :

  • Intégration de la Connectivité Écologique dans les Stratégies Nationales pour la Biodiversité

En septembre 2024, en amont de la COP, le Centre pour la conservation des grands paysages (Center for Large Landscape Conservation, CLLC) estimait dans une note d’information que, parmi les 20 pays2 et l’Union Européenne ayant rendu la version mise à jour de leur SNB, 19 d’entre elles contenaient une mention des termes « connectivité écologique », « corridors écologiques » ou « réseaux écologiques » et/ou des objectifs spécifiques pour maintenir, améliorer et restaurer la connectivité[14]. Ce constat positif a constitué un point de départ encourageant en amont de cette future COP.

Lors de la COP 16, un important travail de plaidoyer a été déployé par le Groupe d’experts en conservation des connectivités (CCSG) de  l’IUCN WCPA , qui est membre de la Coalition Internationale Corridors de Biodiversité en Afrique , pour continuer à encourager les pays à inclure la connectivité dans leur SNB, sur la base de guides développés en amont de la COP. Ces guides, destinés aux décideurs, soulignent respectivement l’avantage de l’inclusion des connectivités dans les stratégies nationales pour répondre à certains impératifs du Fonds pour l’environnement mondial (GEF) et faciliter l’accès à des financements[15]. Ainsi que les bonnes pratiques pour inclure la connectivité dans les SNB comme prendre en compte les communautés locales et populations autochtones, assurer une planification spatiale adéquate, participer à l’effort collectif de développement des indicateurs spécifiques aux connectivités, etc [16] .Cependant, parmi les points forts de la COP16, le CCSG ne mentionne pas de nouvelles contributions dans ce sens dans les stratégies et objectifs soumis par les pays.

  • Optimisation des indicateurs de Connectivité dans le suivi du Cadre Kunming-Montréal

Le point 10 à l’ordre du jour des négociations prévoyait la discussion des « mécanismes de planification, de suivi, d’établissement de rapports et d’examen » liés au cadre[17]. En réponse au projet de cadre de suivi proposé,  le CCSG a publié une note d’information[18] mettant en avant des lacunes dans les indicateurs proposés concernant la connectivité, et proposant des recommandations permettant de mieux mesurer et rapporter sur les connectivités écologiques.

Ils ont également élaboré un guide pratique[19] présentant des résumés des indicateurs identifiés, avec des informations approfondies sur les avantages et inconvénients de ces indicateurs, notamment en ce qui concerne la connectivité.

Parmis les autres faits notables soulignés par le CLLC et le CCSG suite à la COP, figure la sortie pendant les négociations du rapport “Protected Planet Report 2024[20] du Centre mondial de surveillance pour la conservation de la nature (UN Environment Programme World Conservation Monitoring Centre – UNEP-WCMC) et  de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN),  qui évalue l’état des zones protégées et conservées au niveau mondial. Particulièrement, parce que ce rapport consacre son chapitre 6 aux connexions entre les zones protégées et à la mesure de l’ état de celles-ci au niveau mondial. Le rapport conclut que le réseau mondial des zones protégées n’est pas encore assez bien connecté et rappelle l’importance de la notion d’aires protégées et conservées « bien connectées » pour garantir l’atteinte de l’objectif 30×30.

Enfin, la COP à également adopté une décision concernant les efforts de conservation des plantes  accompagnée d’une annexe détaillant des actions complémentaires volontaires à mettre en œuvre, incluant la connectivité[21].

En conclusion, plus d’un mois après la tenue de cette COP, le consensus qui émerge des déclarations de la société civile et des médias est que cette conférence n’a pas pleinement atteint ses objectifs politiques. Bien que des avancées notables aient été réalisées, les négociations sur des points clés de l’agenda, tels que les financements et la création du mécanisme de suivi, n’ont pas permis de parvenir à un consensus. En revanche, la question des connectivités écologiques trouve progressivement une place dans les discussions, bien que des efforts supplémentaires soient nécessaires pour garantir une véritable connectivité entre les aires protégées et l’atteinte des objectifs fixés pour 2030. Il convient également de souligner que la COP16 a enregistré un taux de participation inédit[22] et que le public colombien a montré un grand intérêt pour cet événement. Aussi, il est clair qu’une détermination collective à préserver la biodiversité et à prendre les mesures nécessaires pour y parvenir demeure présente et en constante évolution, tant pour les États et responsables politiques que dans la société en général.

1De  la France,  l’Allemagne, Autriche, Danemark, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et la province canadienne du Québec.

2Malte, Mexique, République de Corée, Burkina Faso, Jordanie, Cuba, Malaisie, Afghanistan, Suriname, Italie, Canada, Ouganda, Autriche, Chine, France, Hongrie, Irlande, Japon, Luxembourg et Espagne.


[1] Convention on Biological Diversity (2022). DECISION ADOPTED BY THE CONFERENCE OF THE PARTIES TO THE CONVENTION ON BIOLOGICAL DIVERSITY. CBD/COP/DEC/15/4.

[2] Conservation International. COP16 READOUT.

[3] Comité Français de l’Union Internationale pour la conservation de la nature. Derniers retours de la COP16 Biodiversité.

[4] Convention on Biological Diversity(2022). DIGITAL SEQUENCE INFORMATION ON GENETIC RESOURCES. CBD/COP/15/L.30.

[5] Convention on Biological Diversity (2022). DECISION ADOPTED BY THE CONFERENCE OF THE PARTIES TO THE CONVENTION ON BIOLOGICAL DIVERSITY. CBD/COP/DEC/15/4.

[6]  Agence française de développement. Le groupe AFD à la COP16.

[7] Comité Français de l’Union Internationale pour la conservation de la nature. Derniers retours de la COP16 Biodiversité.

[8] Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires (03/11/2024). COP16 Biodiversité : La France se félicite de plusieurs avancées significatives mais regrette l’absence de décisions clés pour la mise en œuvre du cadre.

[9] Ecoact(07/11/2024). COP 16 Biodiversité : malgré l’enthousiasme, un bilan contrasté pour concrétiser les engagements.

[10] Comité Français de l’UICN (28/10/2024).COP 16 : Position du Comité français de l’UICN sur les crédits et certificats biodiversité​.

[11] Convention on Biological Diversity (2022).Notification 2024-110.

[12] IUCN WCPA Connectivity Conservation Specialist Group(2024).Brief: Ecological Connectivity in the Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework.

[13] Center for Large Landscape Conservation (2024).Convention on biological Diversity COP 16.

[14]Center for Large Landscape Conservation.(2024). Ecological Connectivity in Updated NBSAPs As of September 2024

[15]  IUCN WCPA Connectivity Conservation Specialist Group(2024). Information Note: Supporting Connectivity Conservation at National Levels through NBSAPs and GEF financing.

[16] IUCN WCPA Connectivity Conservation Specialist Group(2024).Ecological Connectivity: Guidance for revised NBSAPs.

[17] Convention on Biological Diversity.Ordre du jour prévisionnel. CBD/COP/16/1/add.1.

[18] IUCN WCPA Connectivity Conservation Specialist Group(2024). The Need for Disaggregated Indicators for Ecological Connectivity in the KMGBF Monitoring Framework

[19] IUCN WCPA Connectivity Conservation Specialist Group(2024).Practical Guidance on Indicators of Connectivity for the Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework

[20]UNEP-WCMC and IUCN (2024). Protected Planet Report 2024. UNEP-WCMC and IUCN: Cambridge, United Kingdom; Gland, Switzerland.

[21] Convention on Biological Diversity (2022).PLANT CONSERVATION.CBD/COP/16/L.3

[22] Conservation Corridor (09/12/2024). CCSG Overview of Outcomes from CBD/CoP-16.